24E RENCONTRES D’AVERROÈS – ÉDITION 2017
Captation vidéo et réalisation, en collaboration avec l’association imagésens.
Moyens techniques: les films du grand large, 3 caméras tourelles Sony BRC900P. Diffusion et réalisation vidéo en direct au théâtre de la Criée à Marseille.
RENCONTRES D’AVERROÈS 24E ÉDITION – SOIRÉE D’OUVERTURE “ET SI ON PARLAIT D’AVERROÈS?” – ÉDITION 2017
« Et si on parlait d’Averroès ? » s’est tenu le 16 novembre 2017 dans le cadre de la soirée d’ouverture de la 24e édition des Rencontres d’Averroès, à l’occasion du lancement de la chaire Averroès par l’IMéRA.
Rencontre avec Yadh Ben Achour (juriste tunisien, spécialiste de droit public et des théories politiques islamiques), Jean-Baptiste Brenet (philosophe, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; auteur de Je fantasme. Averroès et l’espace potentiel, Verdier, 2017), Pauline Koetschet (philosophe, chercheuse au CNRS) et Driss Ksikes (écrivain et dramaturge, directeur d’Economia, centre de recherche de l’HEM de Rabat ; auteur de Au détroit d’Averroès, Le Fennec, 2017).
Lecture de textes (Jorge Luis Borges, Driss Ksikes…) par le comédien Serge Renko.
Soirée d’ouverture proposée par l’IMéRA, fondation d’Aix-Marseille Université, et les Rencontres d’Averroès.
PREMIÈRE TABLE RONDE : QUELLES LIBERTÉS FACE AU SACRÉ ?
Rencontre modérée par Jean-Christophe Ploquin (rédacteur en chef, La Croix). Avec : Pascal Amel, écrivain et critique d’art fondateur de la revue Art Absolument. Yadh Ben Achour, juriste tunisien spécialiste de droit public et des théories politiques islamiques. Anastasia Colosimo, doctorante en théorie politique et enseignante en théologie politique à Sciences Po Paris. Isy Morgensztern, réalisateur, auteur, enseignant en histoire des religions. Peut-on tout dire, tout écrire ou dessiner ? Le sacré est ce qui, par rapport au profane, inspire une forme de respect, d’attention, de réserve même. « L’homme prend connaissance du sacré par ce que celui-ci se manifeste, se montre comme quelque chose de tout à fait di érent du profane», observe Mircea Eliade qui souligne que «Pour l’homme religieux, l’espace n’est pas homo- gène ; il présente des ruptures, des cassures […] » Il existe ainsi une « opposition entre l’espace sacré, le seul qui soit réel, qui existe réellement, et tout le reste, l’étendue informe qui l’entoure. » Quelle que soit l’ampleur de la sécularisation et de ce que le sociologue Max Weber a appelé le « désenchantement du monde », le sacré n’a pas disparu de nos sociétés, comme par enchantement… Il est là et entre parfois en collision avec l’expérience ultime de la liberté pour qui il ne saurait exister d’outrage, de sacrilège ou de blasphème. La crise, et même le combat, autour des caricatures du prophète de l’islam sont dans tous les esprits. C’est un révélateur des passions collectives que peuvent mobiliser les relations entre sacré et profane. Quelles libertés ? Jusqu’où peut-on aller ? Faut-il accepter des limites ? Qui peut les tracer ? La question du sacré ne concerne pas seulement l’islam ou les religions du Livre, elle touche aux fondements, qu’ils soient constitutionnels, historiques ou mémoriels de sociétés qui se voient ou se pensent comme pleinement sécularisées. Quelle expérience ou exercice des libertés dans ces conditions ? Peut-on relativiser ce à quoi l’on tient et qui ne « nous » laisse pas indifférent ? « Liberté pour l’histoire », clament certains historiens alors que d’autres appellent au respect des mémoires blessées… Liberté pour l’art et les artistes, face aux règles établies et aux conventions installées, mais jusqu’où ? Quel équilibre trouver entre la libre critique, pour les uns, et l’injure ou le blasphème, pour les autres ?
DEUXIÈME TABLE RONDE : QUELLES LIBERTÉS FACE À LA TERREUR ?
Rencontre modérée par Joseph Confavreux (journaliste, Mediapart).
Avec :
Mohammad Ali Atassi, journaliste, documentariste, réalisateur de Notre terrible pays, militant des droits de l’homme en Syrie.
Loulouwa Al Rachid, chercheuse au CERI Sciences Po Paris, spécialiste de la politique irakienne, membre du programme When Authoritarianism Fails in the Arab World (Wafaw).
Nora Lafi, historienne, spécialiste de l’histoire de l’Empire ottoman et des villes du monde arabe (Maghreb et Moyen-Orient) pendant la période ottomane, chercheuse au Zentrum Moderner Orient (ZMO) à Berlin.
Christian Vigouroux, haut fonctionnaire, président de la section de l’intérieur au Conseil d’État, professeur de droit public.
Nous sommes entrés, sans doute depuis le 11-Septembre 2001, dans une ère nouvelle de propagation de la violence et de la terreur, dont les attentats sur des cibles civiles sont devenus le lot commun. Régimes de terreur, actes terroristes mondialisés revendiqués par Daech, qui se veut aujourd’hui comme l’épicentre ou le grand orchestrateur de ces mouvements et de ces attaques. Il cherche même à les mettre en scène à partir d’images inspirées de jeux vidéo, mais néanmoins bien réelles, où le spectacle de l’horreur inspire fascination et terreur…
Comment préserver les libertés, publiques et privées, dans un tel contexte ? Les tenants de la sécurité, qui ont par exemple élaboré le Patriot Act aux États-Unis, cherchent à imposer une régres- sion des libertés et un contrôle toujours plus poussé des sociétés. Comment y faire face ? Libertés publiques, État de droit et droits de l’homme doivent-ils être relativisés ou mis entre parenthèses ?
La violence, comme la terreur, ne sont pas sans histoires et sans généalogies : l’Irak, après la chute de Saddam Hussein provoquée par l’intervention militaire américaine qui avait pour ambition de façonner un « Nouveau Moyen-Orient » ; la Syrie de Bachar Al-Assad, qui a réprimé dans le sang les premières manifestations de liberté et qui est aujourd’hui en plein chaos : 310 000 morts, 100 000 disparus et environ 12 millions de réfugiés ou de déplacés – soit plus d’un Syrien sur deux. Quant à la Libye de l’après Mouhamar Khada , renversée par une intervention militaire franco-britannique et américaine, la confusion politique y règne, des bandes armées et des groupes djihadistes prennent en tenaille la société alors que les migrants africains sont placés dans des camps, rançonnés et le plus souvent torturés.
La terreur est-elle le fruit d’États faillis, entrés en déliquescence suite aux interventions militaires extérieures ? Ou procède-t-elle plutôt d’un « État de Barbarie », comme le chercheur Michel Seurat quali ait notamment la Syrie des Assad ?
Comment penser l’après du désastre et imaginer des chemins vers la liberté en Irak, en Syrie ou en Libye ? À partir de quelles marges de manœuvre, de quels espaces de liberté dans le récit ou dans l’image, par exemple, pour tenter de redonner un visage ou une expression à des sociétés brutalisées ? Quelles interactions possibles avec les sociétés européennes, d’une rive à l’autre de la Méditerranée ? Comment mieux ouvrir les yeux et favoriser des espaces de liberté en commun ? Peut-on sortir d’une forme de déni, de refus de voir et de comprendre pour faire face à la terreur ?
TROISIÈME TABLE RONDE : QUELLES LIBERTÉS FACE AUX POUVOIRS AUTORITAIRES ?
Rencontre modérée par Daniel Desesquelle (journaliste, producteur, RFI).
Avec : Cengiz Aktar, politologue, journaliste et écrivain turc. Lina Attalah, journaliste, directrice du site d’information indépendant égyptien Mada Masr.
Jacques Rupnik, directeur de recherche à Sciences Po Paris, spécialiste de l’Europe centrale et orientale, et de la transition démocratique.
Michel Tubiana, avocat et ancien président de la Ligue des droits de l’homme. « Le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument ».
Cette formule célèbre de Lord Acton nous dit quelque chose des dérives autoritaires qui s’accomplissent sous nos yeux. En Europe, la tendance était à l’avènement de régimes démocratiques et libéraux, après la chute des dictatures en Grèce, au Portugal et en Espagne, puis la chute du mur de Berlin, en 1989, et l’ouverture politique de la Pologne de Lech Wałęsa, de la Hongrie de József Antall et de la Tchécoslovaquie de Václav Havel. Mais ce temps de « l’ouvert » semble aujourd’hui révolu avec l’a rmation de pouvoirs autoritaires dans la Pologne des frères Kaczyński, la Hongrie de Viktor Orbán ou la Tchéquie de Václav Klaus. Sans oublier l’ampleur des vagues nationales-populistes qui traversent désormais toute l’Europe et qui s’ali- mentent de la crainte des réfugiés, du refus des migrations et de la peur de l’islam politique, démultipliée par les attaques terroristes. Une telle tendance, « illibérale », autoritaire, nationaliste et identitaire, qui menace les libertés publiques et atteint les libertés privées, est-elle toujours ascendante en Europe aujourd’hui ? Ou commençons-nous à assister à des formes de re ux et à de nouvelles ouvertures politiques ? Longtemps la construction européenne fut un exemple, à défaut d’être un modèle, qui a attiré dans son orbite de nouveaux pays membres avec l’élargissement. Or un coup d’arrêt vient d’être marqué avec le Brexit, comme avec l’impasse du processus d’adhésion de la Turquie. Où va la Turquie du Président Erdoğan après la tentative de coup d’État de l’été 2016 et le référendum qui conforte les pouvoirs du Président ? Comment défendre les libertés de la presse, d’enseigner, de penser, de créer ou de se déplacer – aujourd’hui de plus en plus menacées ? Où va l’Égypte du maréchal Sissi après le renversement du pouvoir élu de Mohamed Morsi et l’emprise toujours plus grande de l’armée sur la société égyptienne ? Est-il encore possible de défendre les libertés ? À travers quels acteurs et dans quelles conditions ? Qu’est devenue la génération de la place Tahrir ? Face à la montée en puissance des pouvoirs autoritaires, au sud comme au nord de la Méditerranée, existe-t-il encore des chemins possibles pour défendre voire pour étendre les libertés ? Le respect des droits humains est-il toujours une exigence, un horizon de notre commune humanité ? Faut-il continuer à défendre l’universalité de ces droits et ne rien lâcher, face au relativisme, des discours, et à la répression, des pratiques ?
QUATRIÈME TABLE RONDE : QUELLES LIBERTÉS FACE AUX BOULEVERSEMENTS ÉCONOMIQUES ET NUMÉRIQUES?
Rencontre modérée par Jean-Marie Durand (rédacteur en chef adjoint, Les Inrockuptibles).
Avec :
Raouf Boucekkine, professeur d’économie (AMU), directeur de l’IMéRA et président de l’Association sud-européenne d’économie théorique (ASSET).
Farah Hached, juriste, enseignante et militante tunisienne.
Marilena Koppa, professeure de politique comparée à l’université Panteion d’Athènes, ancienne députée européenne.
Jean-Marc Manach, journaliste d’investigation sur Internet, spécialiste des libertés numériques et des questions de surveillance.
Le temps du monde est à la globalisation des échanges, à la circulation des biens et des services, mais pas des personnes, dont les ux restent très contrôlés.
Le temps du monde est à la connectivité, à l’avènement d’une nouvelle ère numérique et à la mondialisation des informations, dans une apparente liberté, qu’il convient cependant d’interroger de plus près.
Que se passe t-il, plus précisément, au plan économique et numérique à l’échelle de la Méditerranée ?
Les États, les gouvernements et les peuples ont-ils encore le pouvoir de décider ? Qui est souverain aujourd’hui, la démocratie ou le marché ? Peut-on librement décider de son avenir ?
La crise grecque, nancière, économique et politique, est révélatrice de notre nouvel état du monde et de l’opacité des processus de décision économiques et nanciers. Est-il possible d’en sortir ? À quelles condi- tions ? Les sociétés peuvent-elles retrouver une marge de liberté face à l’emprise des décisions, par exemple de l’Eurogroupe, de la Banque mondiale ou du FMI ?
Quelles libertés et quelles indépendances pour les économies, au sud de la Méditerranée ? Qu’en est-il, notam- ment, de l’économie algérienne ? Peut-elle sortir d’une économie largement fondée sur la rente, du pétrole et du gaz ? À quelles conditions ? Quelles sont les alternatives et les indépendances économiques de demain ?
Qu’en est-il du monde numérique et des réseaux sociaux ? S’agit-il de nouveaux outils pour une mobilisation démocratique et citoyenne, comme cela a été le cas par exemple au moment de la révolution tunisienne ? Ou s’agit-il plutôt d’outils toujours plus précis et puissants de contrôle de nos vies, privées comme publiques ? Qui maîtrise nos métadonnées et peut-on échapper à l’emprise des grands groupes de l’internet ? Existe-t-il de possibles contre-pouvoirs ? Peut-on limiter l’intrusion de la sphère numérique dans nos vies et dans nos corps ? Faut-il imaginer de nouveaux « droits numériques » pour les citoyens ou les usagers ?
Quels chemins, en fin de compte, pour la liberté au temps du numérique.
ASLI ERDOĞAN, LES CHEMINS DE SA LIBERTÉ
Grand entretien animé par Sophie Joubert et traduit par Valentine Leÿs. Infatigable militante des droits de l’homme, emprisonnée il y a quelques mois encore en Turquie pour ses écrits en tant que journaliste et risquant toujours la prison à perpétuité, c’est aussi une grande romancière, auteur de plusieurs livres traduits en Europe et aux États-Unis. Celle qui fut diagnostiquée surdouée à l’âge de quatre ans reviendra sur son rapport précoce à la lecture puis à l’écriture, qui lui vaut tout à la fois d’être toujours en vie et haïe du pouvoir turc. Elle s’exprimera aussi sur ce que peut la littérature face aux tragédies qu’elle n’a de cesse de dénoncer, déterminée à lutter par les mots contre toutes les formes d’oppression. Les ouvrages d’Asli Erdogan sont publiés chez Actes Sud. Dernier titre paru en 2017 (recueil de chroniques) : « Le silence même n’est plus à toi ».